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21 mars 2011 1 21 /03 /mars /2011 04:24

Dernière balade dans Athènes avant de prendre le car pour Istanbul. Je découvre le “quartier chinois”, un petit secteur près du marché central où la majorité des commerces sont tenus par des asiatiques.

 

Les métiers des rues ne sont pas l'apanage des seuls étrangers. Les Grecs sont aussi présents avec la vente de tickets de bus, de livres neufs ou d'occasion, de pâtisseries sucrées ou salées. Aux étrangers la vente d'objets divers, lunettes, parapluies, bijoux, montres, foulards, images, de fleurs, de fruits, de gadgets. La vente d'objets en bois sculptés semble réservée aux Africains. Des Rroms, grecs ou d'autres pays de Balkans (il semble que contrairement à la France ou l'Allemagne la Grèce ne les expulse pas) partagent également ce type d'activités.

 

L'existence de petits commerces tenus par des immigrés non-Européens est la marque de dynamiques d'installation et d'intégration. La Grèce est en fait un pays d'immigration qui s'ignore encore.

 

Mais les obstacles mis à l'obtention de titres de séjour freine cette dynamique d'intégration, relègue une grande partie des migrants dans des marges et favorise leur exploitation. La crise s'y ajoute comme facteur agravant. Les estimations du nombre de sans-papiers en Grèce sont sensiblement du même niveau qu'en France, pour un pays six fois moins peuplé. C'est dire l'importance du secteur informel dans l'économie, mais c'est aussi une population dont la situation va se dégrader rapidement, tandis que la position des immigrés ayant un titre de séjour se trouvera elle aussi fragilisée.

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21 mars 2011 1 21 /03 /mars /2011 03:34

Nouvelle visite aux Afghans en Grève de la faim. Ils sont convoqués par petits groupes devant la commission du droit d'asile, qui décidera s'ils obtiennent ou non le statut de réfugié. Certains attendent ce rendez-vous depuis 10 ans.

 

La procédure de demande d'asile comprend un premier entretien au poste de police lors du dépôt de la demande, et un second devant cette commission liée au ministère de l'intérieur. Il existe une possibilité théorique de faire appel d'une décision négative, mais la durée et surtout le coût de la démarche la rende ineffective.

 

Ils sont 91 dans ce mouvement, dont une dizaine de familles ayant au total 23 enfants. Certains de ces enfants sont nés en Grèce et sont scolarisés en grec. Ils travaillaient lorsque leur carte rouge le leur permettait, mais ce droit a été retiré aux demandeurs d'asile. Aucun au départ n'avait l'intention de rester en Grèce, mais ils ont soit manqué d'opportunités de partir, soit été renvoyés ici d'un autre pays européen.

 

Il y a eu deux tentatives d'attaque du camp des grévistes de la faim par des groupes fascistes, qui ont échoué. Les violences racistes sont fréquentes à Athènes, et mon interlocuteur me raconte qu'il a un jour été tabassé en pleine rue alors qu'il se promenait avec son fils.

 

Athenes-greve-Afghans-5.jpg

 

Je vais ensuite voir les travailleurs sans-papiers qui ont arrêté leur grève de la faim. Ils repartent aujourd'hui pour la Crète, les derniers jeûneurs hospitalisés étant sortis et ayant suffisamment récupéré pour faire le voyage.

 

L'ambiance est majoritairement au sourire et à la fête, malgré les incertitudes. Si les titres de séjour obtenus ne sont pas une grande victoire politique, le fait de pouvoir aller revoir leur famille et revenir représente sans doute beaucoup pour eux. Pourtant chacun discute de savoir si le gouvernement tiendra parole, et surtout ce qui adviendra si le gouvernement change, ce qui n'est pas exclure dans la conjoncture actuelle. Mais ils se disent déterminés à repartir dans une nouvelle action en cas de besoin.

 

Athenes-greve-travailleurs-5.jpg

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21 mars 2011 1 21 /03 /mars /2011 00:06

Mes collègues passent par Athènes sur le chemin de Patras. Nous nous rencontrons donc et faisons le point sur ce que nous avons vu les uns et les autres. Voici quelques mots sur leur périple en Thrace et près de la frontière gréco-turque.

 

A Orestiada, ville proche du principal point de passage des exilés et siège de la mission de Frontex sur cette frontière (Frontex étant l'agence européenne de contrôle des frontières), très forte présence militaire et policière. Ils sont accueillis par un groupe étudiant qui essaye de porter le débat sur les questions d'immigration et de fermeture des frontières, et a organisé récemment un festival de musique autour de ce thème.

 

Nea Vyssa est le premier village où arrivent les exilés lorsqu'ils franchissent la frontière là où une bande de terre turque est située sur la rive ouest du fleuve Evros, c'est-à-dire là où on peut passer à pied sec (sur tout le reste de la frontière, c'est le fleuve qui sépare les deux pays, et sa traversée est assez dangereuse, des exilés s'y noient chaque année). Une grande partie des habitants de Nea Vyssa est allée travailler en Allemagne dans les années 50 et 60, mais personne là-bas ne semble faire le rapprochement entre leur expérience migratoire et celle des personnes qui chaque jour franchissent cette frontière.

 

A quelque 80 km de là, au milieu de nulle part, se trouve un camp de rétention. Ils ont pu communiquer avec les détenus à travers les grilles et voir un peu les conditions de l'extérieur. Les exilés sont une centaine par pièce, et dorment sur des lits ou par terre. Il y a un seul repas par jour, pas d'eau chaude et de très mauvaises conditions d'hygiène. Plusieurs détenus rapportent des vols d'argent et d'affaires personnelles par les policiers du centre. Une fois libérés, les exilés doivent payer 65 euros pour être emmenés en car à Athènes, et s'ils n'ont pas d'argent ils sont laissés en pleine campagne. Ils ressortent leurs empreintes digitales ayant été prises, et avec un document qui leur laisse un mois pour quitter le territoire – document qui paradoxalement donne une base légale à leur séjour pendant un mois, leur permet d'emprunter les transports en commun sans risque, et donc de gagner Athènes.

 

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20 mars 2011 7 20 /03 /mars /2011 12:19

Journée partagée entre les quartiers où sont rassemblés les exilés et le terrain de foot.

 

On peut voir de ces quartiers un grand nombre d'agences de car et de voyage pour l'Albanie, la Roumanie, la Bulgarie, plus rarement la Bulgarie, la Serbie ou la Pologne, traces d'une immigration plus ancienne, celle des années 90. On entend d'ailleurs parler roumain dans la rue. Les nouveaux arrivants se sont posés dans des quartiers où les immigrés étaient déjà nombreux, même si leurs origines géographiques n'ont pas grand' chose de commun.

 

Quelques boutiques tenues par des Asiatiques, des Arabes ou des Pakistanais, signes d'une dynamique l'installation et d'intégration.

 

Juste à la périphérie, les places Attiki et Hagios Panteleimon sont exclusivement blanches, les exilés en ont été chassés par les attaques quotidiennes de groupes fascistes, et tout exilé qui s'aviserait de traverser une des deux places s'expose à un passage à tabac. Des vendeurs à la sauvette sont pourtant installés pas très loin dans les rues adjacentes, mais ne s'aventurent pas sur les places.

 

Les exilés sous-louent des chambres dans chambres dans des appartements, souvent à plusieurs, et payent de 200 à 300 € par mois. L'attente est souvent longue avant de trouver une opportunité de quitter la Grèce, et rester à Athènes coûte cher.

 

Les familles sont dans une situation particulièrement difficile. Le passage est risqué avec des enfants tant par les ports d'Igoumenitsa et Patras que par les Balkans, et elles dépendent souvent des passeurs pour obtenir de faux passeports et tenter de gagner d'autres pays européens par avion. L'achat de faux passeports coûte cher, et les tentatives échouent souvent face aux contrôles à l'aéroport.

 

Vers 16h, le parc du Champ de Mars est plein de monde, par ce dimanche après-midi ensoleillé. On se côtoie, Grecs et exilés, les familles sont venues, on joue au foot ou au cricket.

 

Athenes-Champ-de-Mars.jpg

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20 mars 2011 7 20 /03 /mars /2011 12:04

Passé une partie de l'après-midi avec des Afghans et des Marocains qui jouent au foot dans un parc. Ils se retrouvent là chaque après-midi, parfois avec des exilés d'autres nationalités ou des Grecs. Une demi-douzaine de mineurs parmi la vingtaine d'exilés présents. La plupart sont bien habillés, propres, bien rasés, certain changent de vêtement et de chaussure pour jouer. Visiblement il ne sont pas dans le dénuement de ceux qui font des boulots de survie dans les rues.

 

Athenes-foot-3.jpg

 

Je commence aussi à me promener dans les quartiers où se trouvent le plus rassemblés les exilés, selon les endroits plutôt des Africains, des Afghans, des Pakistanais et Bengladeshis. C'est dans ces quartiers que je commence à voir des femmes, surtout africaines.

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12 mars 2011 6 12 /03 /mars /2011 10:56

Visite à des Afghans en grève de la faim. Ils campent depuis 4 mois au centre d'Athènes, devant l'université. Ils sont environ 90 et se relayent de 10 jours en 10 jours pour jeûner, certains se cousent les lèvres. Ils sont demandeurs d'asile en Grèce, ont la "carte rouge", titre de séjour provisoire, renouvelable de 6 mois en 6 mois, qui ne leur donne pas le droit de travailler. Certains sont en Grèce depuis 10 ans, d'autres ont été renvoyés depuis un autre pays européen où ils ont essayé de demander l'asile. Ici, ils n'obtiennent pas de réponse à leur demande. Leur revendication est d'être reconnus comme réfugiés.

 

Pour l'instant, pas de réaction du gouvernement.

 

Athenes-greve-Afghans-3.jpg

 

Visite aux anciens grévistes de la faim qui demandaient une régularisation des sans-papiers ("les 300"), à l'occasion d'un rassemblement de soutien prévu aujourd'hui et qui a été maintenu malgré l'arrêt du jeûne.

 

La plupart sont Maghrébins. Ils étaient travailleurs en Crète, lorsqu'ils ont décidé cette action pour obtenir leur régularisation. Ils ont cherché des soutiens a Athènes pour que leur action ait plus d'impact politique, et l'ont préparée pendant 5 mois avant de la lancer.

 

Le 23 janvier, ils se sont installés à la faculté de droit, lieu symbolique du renversement de la dictature en 1973. Ils ont été évacués par la police et ont emménagé dans une maison mise à leur disposition près du musée national et de l'école polytechnique. Ils ont débuté la grève de la faim le 25 janvier.

 

Athenes-greve-travailleurs-2.jpg

 

La presse leur a au départ été hostile, et l'opinion publique ignorait assez généralement l'existence des travailleurs sans-papiers. Ils ont donc suscité un débat public sur ce sujet caché.

 

Le gouvernement a tout d'abord refusé le dialogue, puis a fait des concessions mineures qu'ils ont refusées. Il y a eu aussi de nombreuses pressions pour leur faire abandonner leur action.

 

Ils ont finalement obtenu :

- pour eux, un titre de séjour de 6 mois renouvelable sans limite, avec le droit à un voyage au pays pendant ces 6 mois, et la promesse de ne pas être expulsés;

- pour tous, une baisse de 12 à 8 ans de la durée de séjour, et de 300 à 120 jours de cotisations sociales (une partie pouvant être acquittée a posteriori) nécessaires pour obtenir une régularisation.

 

Il y a eu en Grèce plusieurs régularisations massives, en 1997, 2001 et 2005. Mais la dernière a surtout été un trompe-l'œil. Une partie des personnes qui avaient acquitté la somme de 1500 euros nécessaire n'a pas été régularisée, d'autres n'ont pas eu leur titre de séjour renouvelé après la première année.

 

Reste à voir si cette fois-ci le gouvernement tiendra parole.

 

Athenes-greve-travailleurs-1.jpg

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12 mars 2011 6 12 /03 /mars /2011 10:45

Athènes observée au fil des rues.

 

On peut la voir comme une capitale européenne ouverte sur le monde, avec ses migrants venus d'autres continents. Certains qu'on rencontre faisant leurs courses, rentrant chez eux, prenant le métro. D'autres qu'on voit laver les pare-brises des voitures, glaner de la ferraille ou d'autres choses dans des caddies, charger, décharger et faire des taches d'appoint dans des magasins ou des entrepôts, vendre des choses diverses sur les trottoirs. D'autres cherchent à manger dans les poubelles. Et il y a la drogue et la prostitution aussi.

 

Comme dans toutes les grandes villes européennes, sauf que les proportions sont inversées, les immigrés qui vivent "comme les Grecs" sont minoritaires, ceux qui vivent dans et de la rue sont la majorité.

 

"Le marché aux esclaves" me dit une militante en parlant d'Athènes. Une masse de personnes contraintes à tout pour survivre. Des "clandestins" visibles dans toute la ville, du centre à la périphérie.

 

Sans-Rival.jpg

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12 mars 2011 6 12 /03 /mars /2011 10:17

Des exilés ont commencé à arriver à Patras des le début des années 90, venant des anciens pays communistes des Balkans (Albanie, Bulgarie, Roumanie). Ils sont restes et se sont intégrés progressivement à la société grecque.

 

Puis ce sont surtout des Kurdes, dont une petite partie est restée, les autres continuant leur route vers d'autres pays d'Europe. Les Grecs ont en général de la sympathie pour les Kurdes, en particulier ceux de Turquie, en partie en raison de leur antipathie pour les Turcs. Ils étaient donc assez bien acceptés.

 

Puis ce sont les Afghans qui sont devenus prédominants, et ils ont accaparé le busyness lié au passage.

 

Dans la ville, les exilés se sont tout d'abord concentrés dans une ancienne gare abandonnée, d'où ils ont été délogés. Les Afghans se sont alors installés sur un terrain loué. C'est ce qu'on a appelé "la Jungle de Patras", qui a eu entre 1000 et 2000 habitants. Il y avait à cette période à-peu-près autant d'exilés d'autres nationalités, dispersés dans la ville.

 

Des activités d'information et des cours de langue ont pu être organisés dans cette jungle par des groupes soutenant les exilés. Les relations de pouvoir entre exilés ont évolué avec le temps, d'une organisation très centralisée des passeurs exerçant un fort pouvoir sur les exilés, a un émiettement en de multiples groupes exerçant une pression beaucoup plus faible.

 

Fin 2008, les exilés font deux grandes manifestations avec leurs soutiens. Il y a également des actes de révolte de leur part contre la fermeture de la frontière, comme des caillassages du port. Fin 2008 aussi, le gouvernement annonce qu'il va détruire la Jungle de Patras, ce qui sera fait le 12 juillet 2009, alors que le nombre d'Afghans présents avait baisse à 300 personnes (début de la route terrestre par les Balkans, report sur Igoumenitsa).

 

La destruction de la Jungle a fortement démobilisé certains soutiens, et a également rendu leur travail plus difficile, les exilés étant dispersés dans la ville sur toute l'étendue des abords et des voies d'approche du port.

 

Les Maghrébins et les Africains sont en proportion de plus en plus nombreux et peuvent entrer en conflit avec les Afghans.

 

Un nouveau terminal ferry est en construction à l'extérieur de la ville, et il sera desservi par l'autoroute, ce qui changera la situation des exilés dans la ville.

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12 mars 2011 6 12 /03 /mars /2011 10:13

"Moi je ne comprends rien. Ça fait deux ans que je suis en Grèce. C'est comme si je rêve. Je comprends rien à ma vie. Il y a des choses... Manger dans la poubelle. Jamais, même en rêve, j'ai imaginé que je mange dans la poubelle. Ici, j'ai mangé dans la poubelle. Ici, je comprends pas."

 

Un exilé tunisien d'une quarantaine d'années.

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9 mars 2011 3 09 /03 /mars /2011 17:56

Patras est une ville de 160 000 habitants, port et ville industrielle, fortement marquée par le chômage. Les exilés étaient principalement regroupés en un vaste campement sur une des places de la ville, jusqu'à la destruction de celui-ci en juillet 2009. Ils sont aujourd'hui dispersés sur toute la longueur de la ville a proximité du port et de ses accès. Cabanes, maisons et entrepôts abandonnés, vieux wagons, d'autres dorment au coin des rues sur un carton.

 

Patras-ville-1.JPG

 

Je pars aujourd'hui au sud du port, pour compléter mes observations de la veille. A un carrefour près d'un supermarché, un groupe d'Africains, parmi lesquels un Soudanais qui était a Igoumenitsa la semaine dernière. Il m'invite dans son squat, une petite maison abandonnée, qu'ils sont une quinzaine à occuper. J'y rencontre quelques Soudanais et un Mauritanien. Nous discutons beaucoup des conditions pour obtenir l'asile dans les autres pays, et en particulier en France.

 

Puis discussion avec les Pachtounes qui habitent l'entrepôt voisin. L'un d'entre eux a été renvoyé en Afghanistan après avoir passé trois ans en Grande-Bretagne, un autre n'a pas suivi sa demande d'asile en France, a essayé de passer en Angleterre et a finit par demander le retour volontaire. De nouveaux problèmes en Afghanistan l'on conduit à revenir en Europe. Je lui explique sur quelles bases il peut déposer une nouvelle demande d'asile. Je leur dis aussi que les empreintes digitales des demandeurs d'asile sont conservées 10 ans dans EURODAC.

 

Il semble y avoir pas mal de monde dans ce secteur, soit dans des cabanes entre la grand' route et le rivage, soit dans des bâtiments abandonnés. Un petit phare abrite un groupe assez mélé, Pakistanais, Afghans, Algériens.

 

Comme la veille, des groupes sont le long des grilles du port. On est en plein jour. La surveillance à l'intérieur doit être suffisante pour les dissuader d'essayer de les franchir.

 

Patras-cabane-2.JPG

 

A Athènes, les grévistes de la faim vont sans doute annoncer ce soir la fin de leur mouvement. Ils ont en effet obtenu une régularisation pour eux-mêmes, et un abaissement de la durée de présence sur le territoire grec, de 12 à 8 ans, pour pouvoir être régularisé

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